
Le verre totalement vide
Force est de constater que depuis quelques jours les ressorts traditionnels du marché ne fonctionnent plus. Que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises, le marché ne considère désormais plus qu’une seule option. La baisse. Après avoir vu le verre à moitié plein c’est désormais un verre totalement vide. L’ajustement passe par une baisse de marché (particulièrement sur les valeurs technologiques aux Etats-Unis et le secteur du luxe en Europe) et par une appréciation du prix du risque (les futures de volatilité sont inversés depuis quelques jours avec une forte accélération aujourd’hui) C’est l’environnement de taux qui semble cristalliser toutes les peurs. Tout d’abord aux Etats-Unis ou désormais les anticipations d’inflation et la formidable dynamique économique se matérialisent dans les hausses de taux avec des seuils psychologiques importants (sur le 2 ans, le 10 ans et le 30 ans), mais aussi (surtout ?) en Italie ou la hausse des taux est la conséquence d’une augmentation du risque de crédit consécutive à l’inquiétude budgétaire. Alors que le marché pensait que le ministre des finances Monsieur Giovanni Tria constituait un rempart face à l’exécutif extrémiste italien bicéphale, il a été douché par la résignation de celui-ci, n’espérant désormais plus qu’ ‘un dialogue constructif’ avec l’Union européenne. Alors que le précédent gouvernement italien s’était fixé un déficit à 0.8%, et que le ministre des finances voulait le limiter à 1.6%, c’est finalement un budget très expansionniste (mais conformes aux engagements électoraux des 5 étoiles et de La Ligua) à 2.4% que présentait l’Italie. Face à la réaction des marchés et/ou pour entamer les négociations avec l’Europe, le chef du gouvernement italien calmait les esprits en projetant un déficit de 2.1% pour 2020 et 1.8% pour 2021. Bien entendu les taux italiens s’envolaient et l’écart de rendement avec le Bund augmentait d’autant plus fortement que ce dernier bénéficiait également du reflexe traditionnel de fuite vers la qualité consécutive à la baisse du marché action. Lundi prochain le budget italien sera transmis à la commission européenne, qui bien entendu ne manquera pas de soulever le non-respect du traité de stabilité. Il s’en suivra alors une période de consultations avec l’Italie. Consultations qui ne manqueront pas d’agiter le marché. Puis les agences de notation vont intervenir en tirant une nouvelle fois sur l’ambulance. Standard & Poor’s sera la première à dégainer le 26 octobre, suivi par Moody’s. Si le 29 octobre l’Italie n’a pas remanié son budget, alors officiellement la commission européenne, demandera une modification de celui-ci. En réponse l’Italie communiquera sa révision le 19 novembre. Un mois plus tard la commission apportera ses commentaires pour une validation définitive par le parlement italien le 31 décembre. Autant dire que le marché pourra trouver dans cet agenda de la matière pour manifester ses angoisses ou son enthousiasme. Et c’est un élément de taille. C’est une force de rappel très importante qui va bien au-delà de toute considération ou posture politique. Assurément le gouvernement italien en est parfaitement conscient. C’est une raison importante pour éviter un dérapage. Il ne faut pas non plus négliger les élections européennes qui se profilent (mai 2019). Si la commission ne veut pas être le prétexte des populistes européens (et renforcer encore davantage les positions extrêmes italiennes) elle va se retrouver, bien malgré elle encline à accepter l’inacceptable, ou alors elle va devoir imposer des sanctions et renforcer encore un peu plus la défiance envers l’Europe. Et c’est peut-être le meilleur atout italien pour négocier. Pour ne rien arranger le FMI, avançait hier que ‘De nouvelles vulnérabilités sont apparues et la résistance du système financier mondial reste à vérifier’. https://www.imf.org/fr/News/Articles/2018/10/09/blog-gfsr-the-financial-system-isstronger- but-new-vulnerabilities-have-emerged Cela venait après un abaissement de prévision de croissance du PIB mondial, et des inquiétudes à nouveau exposées sur les conséquences d’une guerre commerciale. (Perspectives de l’économie mondiale : https://www.imf.org/fr/Publications/WEO ) Dans ce contexte de fébrilité, le début non officiel de la saison des résultats (le 12 avec JPMorgan) aux États-Unis revêt une importance particulière. Généralement les fondamentaux prennent le dessus sur l’émotionnel. Par exemple lors de la saison précédente, le thème des tarifs douaniers avait été totalement éclipsé par les résultats (excellents). Bien que le consensus ait révisé légèrement à la baisse ses prévisions pour le 3eme trimestre (après un 1ere trimestre à +24.8% et un second à +24.9%), il anticipe une croissance des bénéfices de 19.20%. Vu le sentiment qui prévaut ces derniers jours, et compte tenu du fait que les dirigeants d’entreprises ont une propension naturelle à être pessimiste sur leur prévisions (afin de provoquer une surprise positive lors de la publication des prochains trimestrielles dû à une base comparable ‘faussement’ faible) il semble probable que toute déception, même minime soit sanctionnée. A l’inverse, si la tendance de résultats exceptionnels se confirmait au 3eme trimestre, le marché y trouverait une occasion de respirer, un peu.
Olivier Armangau
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