
Le Mianzi
La semaine passée a vu se dégonfler les inquiétudes sur l’affaire Huawei. Mais depuis hier le sentiment sur le dossier se dégrade. Ainsi les chinois ont demandé à un tribunal américain d’annuler, pour inconstitutionnalité, l’interdiction faites aux administrations fédérales d’acheter du matériel Huawei. Dans le même temps, un chantage à peine voilé se met en place sur les terres rares.
Ces métaux précieux dont la Chine est non seulement le premier producteur grâce à la richesse de son sol, mais également le 1er transformateur, entrent dans la composition de produits de haute technologie (défense, aérospatiale, nucléaire) et de consommation électronique courants (smartphone, voitures électriques et hybrides).
Les États-Unis qui importent près de 80% de ces terres rares une fois ‘transformé’ en métaux précieux ont donc une dépendance importante. S’il est évidement possible de modifier la chaine d’approvisionnement, les conséquences économiques ne sont pas à négliger. L’agence de presse (gouvernementale) chinoise indique ainsi qu’« en menant une guerre commerciale avec la Chine, les Etats-Unis risquent de perdre l’approvisionnement en matériaux vitaux au maintien de sa force technologique »
Mais le plus intéressant dans cette situation, c’est que la tactique de négociation de Trump basée sur l’agressivité, non seulement semble atteindre les limites de son efficacité, entrainant des mesures de rétorsions, mais surtout elle exacerbe le sentiment nationaliste et fédère la population. Le président américain l’a encore répété lundi lors de son voyage au Japon (ou il négociait également des accords commerciaux, mais dans un climat détendu) il est persuadé que les tarifs finiront par obliger les chinois à des concessions.
Loin de plier la Chine réplique, dans la ‘subtilité, et sa résilience en opposition d’une imprévisibilité américaine pourrait se traduire par un conflit commercial beaucoup plus long qu’escompté. Plus dérangeant pour les marchés financiers, la Chine semble s’accommoder de cette situation (tout en étant consciente que les dommages seraient plus importants pour son économie que pour l’économie américaine), et la presse gouvernementale indique qu’il ne peut y avoir d’accord à n’importe quel prix, et que si certes un accord commercial est important avec les Etats-Unis il n’est pas crucial pour son avenir économique.
Faisant écho à cette position, l’ancien vice-ministre du commerce déclarait ainsi que « Les Etats-Unis n'ont pas réalisé la détermination inébranlable de la Chine à défendre ses intérêts nationaux. Il est impossible d'appliquer un accord unilatéral »
Certains observateurs prêtent aux Chinois la volonté de temporiser jusqu’aux élections américaines, pariant sur l’élection d’un nouveau président. En obligeant le président Trump a assumé ses responsabilités (les prochains tarifs auront des répercussions importantes pour le consommateur américain) les chinois font également le pari que celui-ci adoptera une posture plus ‘respectueuse’ sauf à se désavouer par rapport à ses promesses électorales et donc perdre son crédit.
Xinhuanews, l’une des 2 agendes de presses gouvernementales chinoises, résume parfaitement la position chinoise : « La Chine a réitéré sa position en faveur du multilatéralisme et a tenté d'éviter une guerre commerciale qui nuit aux intérêts publics. Mais si nécessaire, la Chine a beaucoup de cartes à jouer »
La Chine a le profond sentiment que la stratégie d’humiliation et d’opposition systématique est incompatible avec l’obtention d’un accord. Dans le Mianzi, il est important que chaque partie à la négociation tirent des éléments positifs de celle-ci. La perception chinoise est que seuls les intérêts américains sont privilégiés et que l’attitude américaine leur fait ‘perdre la face’ : Une humiliation suprême.
Ainsi lundi, le porte-parole du ministère des affaires étrangères indiquait que « l’égalité est indispensable pour parvenir à un accord commercial » il enfonçait le clou précisant que : "Les différends commerciaux devraient être réglés par des consultations et des négociations amicales, qui doivent être fondées sur le respect mutuel, l'égalité et l'avantage mutuel ".
Les minutes de la Fed n’auront pas apporté de précisions quant à une éventuelle baisse de taux, mais le marché continue de parier sur celle-ci. Les taux long américains continuent de baisser fortement et désormais la perspective d’un taux 10 ans à 2% semble être consensuelle.
Alors que les inversions de courbes et autres risques récessifs resurgissent maintenant que le marché baisse, certains observateurs recommencent à évoquer une erreur de la FED qui s’entêterait dans sa politique de ‘patience’ alors qu’il devient urgent, pour ces mêmes observateurs, de baisser les taux.
Finalement, même si semble-t-il personne ne l’envisageait sérieusement, les votes extrêmes n’auront pas obtenu les scores redoutés.
Néanmoins les 3 partis qui compteront le plus de députés au parlement européen, sont le Brexit Party (la clownerie, pour ne pas dire autre chose, continue donc au Royaume Uni alors que la majorité des anglais sont contre le Brexit, ils ont voté en masse pour le parti pro Brexit), la Ligue en Italie et la CDU en Allemagne.
Un joli melting-pot d’anti européen, de conservatisme désuet et d’extrême droite.
Pour sauver l’honneur européen les verts ont enregistré une percée importante. Il est cependant bien triste de constater que la protection de l’environnement est une fois encore reléguée à une étiquette ridicule plutôt que d’être considérée comme une préoccupation fondamentale et essentielle inhérente à la vie et non pas un courant politique.
Terminons sur une note positive tout de même en Europe, avec certaines statistiques encourageantes : le sentiment économique s’est amélioré en mai (105.1 contre 103.9 en avril) interrompant une série délicate de 10 baisses consécutives. Tant les services que l’industrie s’inscrivent en hausse sur le mois considéré. C’est plutôt encourageant après la publication la semaine passée d’une confiance du consommateur qui s’inscrivait elle aussi en hausse sur le mois et cela attenue les PMI décevants (voir plus loin).
Enfin, une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, la BCE a indiqué que la croissance du crédit aux ménages (pour avril) est au plus haut depuis 2009 et que celle du crédit aux entreprises (pour avril également) à enregistré sa plus forte progression annuelle.
La BCE qui tiendra sa prochaine réunion la semaine prochaine ne manquera pas de commenter ses données, et sera attendue sur les conditions de son dernier TLTRO. Si le sentiment de marché continue de se dégrader (alors que les données économiques s’améliorent enfin ou du moins cessent de se détériorer) ce sera également un bon test pour jauger la volonté de celle-ci d’offrir un soutien au marché (comme le fait désormais la FED).
Bonne semaine,
Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Entre tensions commerciales qui s’intensifient et qui pèsent sur la croissance mondiale, inquiétudes sur la dette italienne ou encore retournement de la courbe des taux américains, c’est comme une impression de déjà-vu. Ces thèmes qui sont assez familiers reprennent le devant cette semaine et pèsent sur les marchés européens.
L’Eurostoxx 50 perd 2.63% et la volatilité repart à la hausse prenant 15.09% sur la période.

Élections européennes
Les partis centristes traditionnels de l'Europe ont perdu du terrain aux élections législatives européennes, les partis populistes d'extrême droite ont progressé mais moins qu'attendu et le parti écologique connait les meilleurs résultats de son histoire. Le climat de tension et de divergence est palpable face à ces résultats mais la moindre mesure des anti-UE rassure un minimum.
Par ailleurs, ces élections sont d'autant plus pertinentes qu’elles ont connu le taux de participation le plus élevé depuis 1994. Malgré la faible médiatisation, le taux de participation moyen en Europe est ainsi ressorti à 50.97%.
Les résultats finaux placent l'EPP (le parti populaire européen : Droite et centre droite) en tête avec 23.8% des sièges, suivi du S&D (Sociaux-démocrates : centre gauche) avec 20.4% des sièges et ALDE (Libéraux-démocrates) en troisième avec 14%.
La commission européenne envisage de punir l’Italie
Les inquiétudes sur la dette italienne reprennent. L'Italie qui possède un déficit de 132% du PIB en 2018, bien au-delà du seuil de 60% fixé par l'UE, et dont son déficit structurel continue de se détériorer, se voyait menacée d'une amende de trois milliards d'euros par la commission européenne hier. Cependant, celle-ci, offre finalement la possibilité à Rome de s'expliquer sur la situation par une lettre officielle envoyée ce mercredi et qui nécessite une réponse avant ce week-end. Faute de quoi une procédure de sanction pourrait être ouverte.
L’allier asiatique
Le président américain a passé quelques jours dans la péninsule japonaise dans le but de rééquilibrer les échanges commerciaux et d'avancer en direction d'un accord commercial entre les deux pays.
Finalement, ce séjour c'est terminé sans avancement concret ni date clé. Bien que Donald Trump ait dénoncé un déficit commercial « incroyablement grand » des Etats-Unis vis-à-vis du Japon (68 milliards de dollars), il ne part pas au front et attend du Japon qu'il annonce « certaines choses, probablement en août, qui seront très bonnes pour les deux pays ».
Cette déclaration a tout de même été relativisée par le gouvernement japonais qui déclare que Trump avait avant tout « exprimé son espoir de progrès rapide dans les négociations » et précise qu'il n'a pas été conclu de devoir atteindre un accord pour août. Vu que le Japon a des élections prévues en juillet, aucun accord ne sera atteint avec certitude avant mais rien ne présage non plus qu'un accord soit prévu pour août.
Enfin, cette visite a également servi à afficher l'alliance nippo-américaine. Entre partie de golf et dîner au restaurant, Donald Trump essaie de consolider ses relations avec cet allier asiatique important dans ce contexte de tensions commerciales.
Statistiques européennes
L'escalade des tensions commerciales et les incertitudes qui y sont liées pèsent sur les statistiques européennes pour le mois de mai. Les PMI flash manufacturiers allemands et européens sont tous deux ressortis en dessous des attentes et toujours dans la zone de contraction (<50) soit à 44.3 et 47.7 respectivement. Le PMI français quant à lui surprend positivement et dépasse le seuil des 50, atteignant 50.6.
De plus, le climat des affaires en Allemagne continue de se détériorer avec l'indice Ifo qui ressort au plus bas depuis 2014 à 97.9.
Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 29 mai 2019 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.