
Le chantage? Pourquoi pas !
Il est vrai que les marchés sont focalisés sur les tarifs douaniers, le Brexit, l’Italie, la BCE et la FED, tant l’importance supposée ou réelle est grande. Les réactions des intervenants en tout cas confirment ses intérêts. La séance de jeudi dernier sur le SP500 est un excellent exemple. Alors que le marché avait perdu la veuille plus de 3%, il s’affichait en baisse de 2.91%. Puis un article du Wall Street Journal faisant état d’une orientation désormais beaucoup plus attentiste de la part de la FED, a permis au marché de tout récupérer en quelques minutes. Alors que la certitude d’une hausse des taux était acquise pour décembre, voila que désormais des anticipations de statu quo surgissent, voire même des anticipations de baisse des taux ! Assurément, la réunion de la FED aura des effets sur le marché. Mais demain ce sera d’abord à Mario Draghi de montrer s’il est généreux pour les fêtes de fin d’année ou pas. Un nouveau LTRO sera-t-il évoqué pour enrayer l’étranglement bancaire (à chaque aplatissement de la courbe, la rentabilité bancaire est écornée) ? une solution ‘non-conventionnelle’ sera-t-elle proposée pour le réemploi des obligations arrivant à échéance ? (pour enrayer les écarts de taux de plus en plus important), un prolongement du programme, qui doit arriver à échéance dans quelques jours, sera t ’il évoqué ? Ce serait évidemment une énorme surprise mais qui pourrait, aussi, avoir l’effet inverse renforçant alors la conviction des opérateurs que la situation est vraiment mauvaise ! Bien que la BCE n’ait pas un mandat sur la croissance (contrairement à la FED de façon indirecte via son mandat pour le plein emploi) il est évident que la situation actuelle préoccupe l’institution. Peut-être que Mario Draghi distillera ‘simplement’ un message sur l’Italie. Message suffisamment fort pour rasséréner les intervenants? Beaucoup d’interrogation donc de la part du marché qui à besoin d’éléments positifs. Mais la préoccupation du marché des derniers jours (mis à part l’affaire Huawei et le Brexit) est l’aplatissement de la courbe des taux. L’aplatissement de la courbe des taux est avant tout la combinaison du resserrement de la politique monétaire (la partie courte) et de la baisse des anticipations de croissance (la partie longue). L’aplatissement est donc une sorte de normalisation des taux. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un aplatissement ne s’accompagne pas forcement d’une récession. Il est vrai cependant que lors des dernières recessions constatées (forcément après coup) il y avait, une inversion de la courbe des taux. En quelques sortes c’Est l’étape faisant suite à l’aplatissement. Dans le contexte de marché actuel, ou le stress est assez important, l’aplatissement de la courbe, voire l’inversion (sur le 3/5 ans) ne rassure donc pas forcement. Les bancaires en font les frais, tant les actions que les obligations. Dans un tel environnement il est ‘logique’ de voir les écarts de taux sur le crédit revenir au niveau de 2016. L’Itraxx main a presque doublé depuis le début de l’année. Alors que l’assouplissement quantitatif s’était traduit par un effondrement des taux et une augmentation du risque inhérent totalement éludé, (dans la quête de taux de rendement décent), l’année 2018 sonne le glas de cette période bénite (performance non ajustée du risque de crédit). Se pose également la question de la liquidité et de son impact sur les prix en cas de poursuite de ce stress. La dernière réunion de l’année de la BCE tombe décidément à point nommé. Mario Draghi sera évidemment attendu au tournant. On se rappellera que lors de la précédente réunion, le marché qui attendait beaucoup avait été déçu. La situation était identique : Forte baisse du marché et stress sur les taux, puis forte hausse du marché quelques jours avant la réunion. Intéressant de noter que l’Eurostoxx50 gagne plus de 3% en 2 jours, effaçant ainsi les pertes de lundi, sans pour autant que la volatilité implicite baisse fortement. De même les futures de volatilité sont encore bien recherchés. Le grand désordre autour du Brexit (ce soir Theresa May va faire face à un vote de défiance entre 19h00 et 21h00) et le précédent dangereux désormais instauré par la cour de justice européenne semblent encore peser sur le prix des actifs européens. Ainsi donc, la cour de justice, considère que tout état membre peut engager une sortie de l’Union puis la révoquer à son bon vouloir !! On imagine déjà le chantage à la ‘sortie’ que pourrait orchestrer les hongrois ou les italiens pour obtenir des concessions de l’Europe. Assurément cette année 2018 va encore donner une image peu flatteuse de la construction européenne. Un fabuleux terreau pour les partis extrêmes à 5 mois des élections européennes.
Bonne semaine,
Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Semaine mouvementée pour les marchés qui ont été marqué par des retournements de situation. L'arrestation d'une femme d'affaire chinoise pour le compte des États-Unis compromet la récente « trêve » sino-américaine, Theresa May reporte le vote du Brexit au parlement et la crise des « gilets jaunes » donne du poids à l'Italie dans sa négociation avec la commission européenne.
L'Eurostoxx 50 perd « seulement » 1.13% sur la semaine, sachant qu'entre mercredi et lundi l'indice perdait 4.23%.
Les « Gilets Jaunes »
Depuis un mois, le mouvement des « gilets jaunes » a pris peu à peu d'assaut la France entière. Ce mouvement de manifestation contre une énième hausse du prix du carburant s'est rapidement transformé en un mouvement de rébellion plus large contre la baisse du pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires. Des centaines de milliers de français sont descendus dans les rues pendant quatre semaines pour revendiquer leurs droits, bloquant routes et ronds-points et dégénérant en de nombreux dégâts, violences et arrestations.
Face à cette perte de contrôle, le gouvernement a réagi ce lundi. Dans le but de calmer la situation le président Emmanuel Macron annonce une hausse du salaire minimum de 100€/mois, une annulation de contributions pour les retraités qui touchent moins de 2000€/mois, une défiscalisation des primes de fin d'année et les heures supplémentaires seront libres d'impôts et de charges.
Ces nouvelles mesures, dans un premier temps, calment les tensions mais n'assurent pas de satisfaire totalement les gilets jaunes. Il est possible que les manifestations continuent, car Macron ne réponds que partiellement aux attentes des travailleurs de la classe moyenne. Dans un second temps, ces mesures coûtent cher. Elles sont estimées à 10 milliards d'euros et pourraient faire augmenter le déficit budgétaire de la France à 3.5% de son PIB par rapport aux premières estimations.
Budget italien
L'Italie n'a pas manqué de relever la situation française sur laquelle elle s'appuie pour faire valoir ses arguments. Les premiers ministres italiens déclarent que leur budget élevé a pour but d'éviter un débordement comme celui intervenu en France.
De plus, les nouvelles mesures du gouvernement français menacent de dépasser la limite budgétaire fixée par la commission européenne telle que cité précédemment. Cette situation fait alors pression sur la commission qui peine à faire respecter sa limite à l'Italie depuis plusieurs semaines.
Ceci étant dit, le premier ministre des finances, Giuseppe Conte, présente les nouveaux chiffres révisés ce mercredi soir à la commission européenne. Des sources indiquent qu'il pourrait tout de même proposer un déficit budgétaire prévisionnel de 2.0% (contre 2.4% initialement prévu) afin d'éviter les sanctions de la commission. Mais la situation française leur permet néanmois d'augmenter le poids de leurs arguments dans la négociation avec la commission.
« Trêve » en péril
Le week-end avant-dernier se déroulait un repas cordial entre Trump et Xi Jinping qui débouchait sur des notes positives pour le commerce international. Cependant, le même jour, le Canada arrêtait pour le compte des États-Unis, Wanzhou Meng, CFO et fille du fondateur de la multinationale chinoise Huawei. L'arrestation repose sur une fraude présumée et violation des contrôles à l'exportation américaine.
Cette arrestation effectuée dans la plus grande discrétion n'a été dévoilée que quelques jours plus tard et a provoqué la plus grande colère du gouvernement chinois qui exige sa mise en liberté.
La nouvelle a fait chuter les marchés en fin de semaine dernière qui craignaient une escalade des tensions face à ce conflit délicat qui dépasse le commerce international. Toutefois, l'intervention de Donald Trump hier se disant prêt à intervenir si la situation menaçait la sécurité nationale ou si cela permettrait d'atteindre un meilleur accord rassure les marchés.
La saga « Brexit »
Le vote au parlement britannique prévu ce mercredi sur l'accord du Brexit a été reporté par Theresa en début de semaine par peur d'un échec important. Le vote devrait donc se dérouler avant le 21 janvier, sans toutefois avoir fourni de date précise.
De plus, comme si la situation britannique n'était pas assez chaotique, le parti de la première ministre a mis en place un vote de défiance lancé contre son autorité qui se déroulera ce soir. Theresa May saura, à 21h, si elle restera ou non première ministre du Royaume-Uni.
Si la première ministre reçoit la majorité des votes plus un des députés conservateurs, lui permettant de rester au pouvoir, son autorité ne sera que renforcée et cela facilitera l'acceptation de son accord sur le Brexit. Dans le cas contraire, l'avenir d'un accord semble très compromis.
Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 12 décembre 2018 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.