
La satisfaction marginale
Il est désormais largement acquis que la FED va baisser ses taux. Entre les propos des membres de la FED et de son président, le niveau des PMI manufacturiers dans le monde (il existe une corrélation entre celui-ci et les baisses de taux comme le relève Nordea dans un papier), le niveau d’inflation, et les mauvais chiffres de l’emploi de vendredi dernier, et bien sur la sempiternelle guerre commerciale sino-américaine, les éléments sont suffisants pour que le consensus anticipe à l’unanimité un prochain cycle de baisse des taux.
Il subsiste néanmoins quelques inconnus, comme la date et l’ampleur de ces baisses de taux.
Le consensus parie sur une première baisse en Juillet (donc si la FED baisse ce soir ce sera ‘forcément’ une surprise positive) puis une autre en septembre.
Quant à l’ampleur de celles-ci, habitué qu’il est à être gâté, le marché a des attentes de plus en plus élevées. Et c’est principalement là que réside le risque (si ce mot à encore un sens).
Il faut que les baisses soient suffisantes pour que le marché continue de se rassurer sur la capacité de la FED à le protéger contre toutes les incertitudes. Autrement dit, l’ampleur de la baisse des taux permettra de déterminer la ‘qualité’ du PUT de la FED.
A ce jour le consensus table sur 75 points de base sur 1 an.
L’action de la FED, de plus en plus dépendante des attentes du marché, de la pression de Trump (intimidations, menaces d’éviction), et depuis hier, de la BCE, peut quand même poser des questions.
Le ralentissement américain en cours (la FED estime que la croissance s’établirait aux alentours de son potentiel soit 1.75%) n’est de loin pas un signe précurseur d’une violente récession, ni d’une détérioration massive du taux de chômage (à des plus bas historique), ni d’une dégradation dramatique des résultats des entreprises. Et la justification d’une action basée sur un niveau d’inflation trop bas a quand même une saveur toute particulière à la lumière des nombreuses études sur l’impact déflationniste de la nouvelle structure des populations (plus âgée), des services liés aux nouvelles technologies, et de l’ubérisation grandissante de l’économie. Cette inflation basse que l’on voudrait combattre par une baisse de taux (au Japon, en Europe et aux États-Unis) ne semble être rien d’autre qu’un nouveau paradigme.
Baisser les taux ce soir ou en juillet serait donc à titre de prévention nous dit-on. Dans ce cas pourquoi attendre juillet? Si effectivement le but est de prolonger le cycle, autant créé un sentiment encore plus euphorique en baissant les taux dès ce soir. Apparaitre trop accommodant n’est clairement pas une préoccupation pour Jerome Powell (qui s’est déjà précipité au chevet du marché en janvier et en juin) et encore moins, évidement pour le marché.
Baisser les taux en juillet permettrait cependant d’avoir un peu plus de recul sur les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis (les deux présidents devant finalement se rencontrer en marge du G20. A noter d’ailleurs qu’on nous sert la même soupe qu’en décembre ou à l’issu du fameux diner lors du g20 de Buenos Aire, les deux protagonistes avaient quand même décidé de ne pas imposer de nouveaux tarifs. On a vu le résultat depuis !).
Alors que la « 45 Fest » a lancé la campagne électorale du président Trump, la FED pourrait aussi vouloir se garder quelques munitions en prévision de futurs dérapages. La probabilité que le président fasse du ‘Trump’ pour regagner la confiance de sa base est d’autant plus élevée que certains sujets belliqueux s’y prêteraient à ‘merveille’. On peut penser à l’Iran, mais aussi au Venezuela. Et avec une FED qui a montré sa complaisance à l’égard du moindre souci de marché, le président américain sera encore moins sur la retenue. Dans le même esprit une rhétorique musclée à l’endroit de la Chine tout au long de la campagne (y compris si un accord de façade est trouvé d’ici la fin du mois) nécessiterait que la FED garde quelques munitions.
Autant d’éléments qui plaident donc pour une baisse des taux plus tard qu’en juin, voire juillet.
En attendant la FED ce soir, la BCE n’y va plus par quatre chemins. Alors qu’il y a 10 jours, Mario Draghi n’a rien délivré lors de la conférence de presse clôturant la réunion de politique monétaire des gouverneures de la BCE, voila qu’hier lors du Jakcson Hole européen (à Sintra au Portugal), Mario Draghi nous a gratifié d’une sortie incroyablement accommodante. Singulier !
Ainsi donc, le président de la BCE a indiqué que si l’ « objectif de retour durable à l’inflation est menacé, des mesures de relance supplémentaires seront nécessaires ». Pour clarifier encore davantage la position, il a également précisé qu’il y « avait encore de la place pour baisser les taux et soutenir l’économie ». Il y a aussi indiqué qu’il y avait une marge « considérable » pour un nouveau programme de rachat d’actif ! Avec un bilan de la BCE qui a été multiplié par 5 depuis la crise de 2008, et par 2 depuis celle de la dette européenne, les futurs développements seront assurément très intéressants !
Le marché buvait évidement du petit lait hier, mais peut-on véritablement attendre un assouplissement (baisse de taux et rachat) aussi significatif? La situation actuelle sur les taux et la taille du bilan n’est-elle pas incompatible avec un nouveau plan d’ampleur? L’effet de surprise ne jouera plus, et comme la satisfaction marginale nous l’enseigne, les bénéfices escomptés seront moins importants que ceux réalisés lors du 1er assouplissement. En d’autres termes, la réaction du marché n’est-elle pas disproportionnée?
En grand communicateur qu’il est, Mario Draghi vise aussi à insuffler la tendance pour son successeur. Ce dernier se trouvant désormais engagé par de tel propos, cela signifie aussi pour le marché que peu importe la sensibilité de son successeur, il sera obligé par les propos de Draghi ! C’est finement joué.
En pleine discussions (pour ne pas dire marchandage) au conseil européen pour attribuer les postes des responsables européens (dont celui du président de la BCE), l’intervention de Draghi rassurera tous les pays du Sud pour lesquels une normalisation (mot qui va certainement disparaitre) monétaire signerait le début de sérieux ennuis.
Bonne semaine,
Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Le ton dovish de Mario Draghi et la « très bonne conversation téléphonique » entre Donald Trump et Xi Jinping auront été les moments forts de la semaine qui ont boosté les marchés à la hausse. Par ailleurs, la réunion de la Fed n’inquiète pas les investisseurs.
L’Eurostoxx 50 gagne 2.01% sur la période et la volatilité baisse de 8.6%.

Fed day
Les taux devraient rester au même niveau à l’issue de cette réunion de la Fed. Cependant, le discours de Jerome Powell sera important car les marchés s’attendent, à plus de 80%, que la Banque Centrale les baissera en juillet. Les informations sur les prochains ajustements, les prévisions et le ton du discours seront déterminants pour affirmer ou infirmer les estimations des investisseurs.

https://www.cmegroup.com/trading/interest-rates/countdown-to-fomc.html
Réunion annuelle de la BCE et Draghi
Lors du forum annuel de la BCE un discours de Mario Draghi, président de l'institution, a accaparé l'attention des investisseurs hier et celle du président américain.
Après avoir dépeint une faiblesse de l'activité économique pour les trimestres à venir Draghi s'est montré très accommodant, contrairement à la conférence de la dernière réunion de la BCE il y a deux semaines. Il a ainsi déclaré qu'en l'absence d'amélioration de l'inflation « des mesures de relance supplémentaires seront nécessaires » et que des « nouvelles réductions des taux directeurs et des mesures visant à contenir les effets secondaires font toujours partie de ses outils ».
Puis Mario Draghi a conclu en déclarant que « si la crise a montré quelque chose, c'est que nous utiliserons toute la flexibilité dont nous disposons dans le cadre de notre mandat pour le remplir - et nous le ferons à nouveau pour relever tout défi à la stabilité des prix dans l'avenir ». Ces déclarations accommodantes font vaguement penser au « Whatever it takes » de juillet 2012 qui avaient relancé les marchés.
Ceci n'a pas réjoui le président américain qui accuse la BCE de concurrence déloyale et de manipulation des taux de change. Mettant ainsi un nouveau coup de pression sur Jerome Powell pour qu'il baisse les taux à la veille de la conférence du FOMC.
Tarif Man
Donald Trump considère que les droits de douanes représentent un outil efficace dans tous types de négociations et notamment pour rééquilibrer la balance commerciale. Cependant, les entreprises américaines ne le voient pas de la même façon. Le mouvement « Tariffs hurt the Heartland » regroupe plus de 600 entreprises américaines, petites ou grands groupes tels que Target et Walmart. Celles-ci ont fait connaître leur ras-le-bol du conflit commercial avec la Chine la semaine dernière par le biais d'une lettre destinée au président et demandent au président américain de mettre un terme à cela.
Ces entreprises avertissent que les tarifs additionnels – de la dernière menace de Trump sur 300 milliards de dollars d'exportation chinoise – feraient grimper les prix à la consommation, réduiraient les profits et désavantageraient les entreprises américaines par rapport à leurs concurrentes étrangères qui ne sont pas assujetties à des taxes plus élevées sur les composants qu'elles achètent à la Chine.
Bien que les entreprises commencent à taper du poing sur la table, il semble que la dernière menace de Donald Trump ait eu l’effet escompté. Le président américain s'est entretenu avec son homologue chinois au téléphone en ce début de semaine et une « longue » rencontre est désormais prévue entre les deux dirigeants lors sommet du G20, évènement qui n'était jusque-là que spéculé. La rencontre entre les deux chefs d'États est necessaire pour relancer les négociations commerciales qui sont au point mort depuis plus d'un mois.
Les taux européens au plus bas
Les taux des grandes nations européennes tombent à des plus bas historiques après le dernier discours de Draghi. Le taux aux 10 ans français passent pour la première fois en zone négative lors de la séance hier. Les taux aux 10 ans grecque et portugais tombent aussi aux plus bas historique.

Tensions dans le Golfe
Deux pétroliers ont été attaqués dans le golfe d'Oman la semaine dernière. Washington a accusé très rapidement l'Iran d'avoir mené ces attaques, ravivant ainsi les tensions entre Téhéran et Washington. Ce week-end, l'Arabie Saoudite a à son tour accusé l'Iran d'avoir endommagé les deux pétroliers.
L'Iran de son côté dénonce un coup monté des États-Unis et fait référence à Pear Harbor lorsque les Etats-Unis « visaient leurs propres bateaux près du territoire japonais afin de pouvoir justifier leur hostilité » envers Tokyo.
De plus, Téhéran fait encore monter la pression en déclarant lundi que son stock d'uranium faiblement enrichi dépassera bientôt la limite fixée par l'accord de Vienne. Peu après cette déclaration, le secrétaire à la défense, Patrick Shanahan, a annoncé que 1000 soldats supplémentaires seraient envoyés dans la région « à des fins défensives pour répondre à des menaces aériennes, navales et terrestres ». Ils s'ajouteront aux 1500 militaires partis en renfort en mai.
Dans ce contexte ou les tensions atteignent un stade critique, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas a mis en garde ce mercredi contre un « risque de guerre » dans le Golfe et appelé à la « désescalade » via un dialogue avec toutes les parties.
Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 19 juin 2019 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.