
La route de la soie
Décidément les intervenants de marché n’en finissent pas de surprendre. Alors qu’il est désormais consensuel que l’inflexion haussière de la croissance aura lieu tant aux Etats-Unis qu’en Europe dans le courant du second semestre, le même consensus continue pourtant d’anticiper non seulement une pause des banques centrales, mais également une baisse des taux par la FED et le retour de l’assouplissement quantitatif en Europe !! Cela se traduit par une hausse continue des marchés indépendamment du flux économique, puisque chaque scenario est donc propice à des anticipations de hausse du marché !
Les achats sur repli du marché, quand ils sont possibles, sont également la règle (en total contre-pied encore une fois avec le consensus de marché) et nous ne sommes pas loin de revoir les FOMO (Fear of missing out), la peur de rater la hausse, fleurir dans les commentaires de marché. Ce d’autant plus que cette hausse en ligne droite se fait alors que les flux sont toujours négatifs (rachats). A peine les stratèges et autres commentateurs justifiait la (légère baisse) que le marché les prenait à revers, atteignant (Eurostoxx50) et dépassant (S&P500) les plus haut depuis octobre.
Ce qui est encore plus surprenant c’est le décalage entre les discours des banquiers centraux (Mario Draghi la semaine passée a présenté une situation économique européenne pourtant déplorable, y compris pour 2020…) et les réactions de marché. Confirmation de cette dynamique haussière inépuisable, les réactions aux rares informations filtrant des négociations commerciales sinoaméricaines. Ces dernières ne sont pourtant pas particulièrement optimistes depuis quelques jours, mais cela n’a absolument aucune incidence sur le marché. Marché qui s’est pourtant abreuvé de cette nouvelle, jusqu’à plus soif, pour justifier la hausse !
Et cela pourrait continuer encore longtemps ! La FED la semaine prochaine va répéter pour la 20eme fois depuis le 4 janvier qu’elle fait une pause dans sa normalisation économique, qu’elle va également mettre un terme à la réduction de son bilan (en étant certainement plus précise sur le calendrier), et qu’elle navigue à vue (la fameuse dépendance au donnée économique) et pour la 20eme fois le marché s’en réjouira comme si c’était une annonce totalement inattendue. Avec une inflation salariale qui ne se transmet toujours pas à l’économie (indice des prix à la consommation en repli et inférieur aux attentes) et un indice des prix à la production contenu, la FED à des arguments en sa faveur (pour rappel son objectif d’inflation est de 2%) et c’est un soutien pour le marché.
Alors que le parlement anglais n’en finit plus de se ridiculiser, démontrant une fois encore à quel point les politiques ne font absolument aucun cas des réalités économiques et des enjeux opérationnels et de compétitivité auquel les entrepreneurs et leurs salariés sont confrontés, et qu’il votera aujourd’hui pour rejeter ou non un Brexit sans accord, puis demain pour un report ou non du Brexit (en fonction du vote d’aujourd’hui) le seul élément positif de cette mascarade pathétique est que les futurs prétendants à une sortie de l’union y réfléchiront à deux fois. Et plus largement le discours eurosceptique aura moins d’impact. Brandir la sortir de l’euro pour faire miroiter un avenir économique radieux devrait avoir moins de ‘crédit’ auprès de l’électorat…Alors que s’inscrire dans le projet titanesque de la ‘nouvelle route de la soie’ est beaucoup plus pertinent.
Ainsi donc la Chine pourrait financer des projets d’infrastructures en Italie dans le cadre de son programme d’investissement qui vise à la relier à de nombreux pays asiatiques, africains et européens. 68 pays ont déjà saisi cette opportunité économique.
Un accord en ce sens pourrait être signé lors de la visite du président chinois en Italie le 22 mars prochain. Il s’agirait du premier pays du G7 à rejoindre cette nouvelle route de la soie dont l’aboutissement est fixé pour 2049, année du centenaire de la république populaire de Chine.
Après le tragique accident du pont autoroutier à Gênes (qui faisait 39 morts l’an dernier), le gouvernement Italien s’était alors empressé de récupérer l’évènement pour fustiger la politique européenne et son dogmatisme budgétaire, responsable, selon Rome, du manque d’investissement en infrastructure (puisque le gouvernement italien ne pouvait pas accroitre son déficit pour financer ses infrastructures à cause du respect des critères européens en matière de déficit). Finalement l’Italie va pouvoir trouver un suppléant à l’union européenne et ouvrir grand la porte à la Chine. Un nouveau camouflet en perspective pour l’union européenne et une nouvelle source d’irritation pour Donald Trump qui voit chaque jour un peu plus s’affirmer la Chine, avec une vision stratégique de long terme.
Les détracteurs diront que c’est l’apanage d’un gouvernement autoritaire dirigé par un parti unique. Certainement. Tout comme les gouvernements brandissent l’espionnage pour évincer Huawei de la course à la 5G, (alors que les spécialistes semblent admettre en coulisse que la technologie du chinois est largement meilleure) blâmer le compétiteur n’est certainement pas le meilleur moyen de le contrer sur le plan économique. Mais assurément c’est le moyen le plus confortable de se rassurer sur son incapacité à trouver des solutions. C’est aussi, bien souvent le début de la fin d’un règne.
Bonne semaine,
Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Les marchés européens ont connu une semaine relativement neutre sur les marchés, principalement dû aux perspectives économiques pessimistes de Banque Centrale Européenne.

Un nouveau stimulus
Sans grande surprise la Banque Centrale Européenne suit les pas d'une Fed très accommodante au cours de sa dernière conférence de presse. Il aurait été même difficile d’en faire davantage ! Les taux resteront inchangés pour l'année 2019, réinvestissement de la totalité des tombées dans le portefeuille QE et un TLTRO III.
Bien que largement attendu, ce TLTRO III a cependant laissé les investisseurs quelque peu perplexes car il présente des conditions moins avantageuses que les précédents (plus court et taux variables). Les TLTRO lancé en 2014 et 2016 n'avaient ni redynamisé l'économie ni augmenté l'inflation de façon significative ce qui soulève des doutes quant à l'efficacité et le succès de ce dernier. Mais ces interrogations ne sont bien entendu pas suffisante pour freiner le marché.
Ces nouvelles mesures sont fondées sur un climat interne préoccupant (ralentissement de la locomotive allemande, récession en Italie, crise politique/sociale en France) et des risques/ralentissements externes croissants (Hard brexit, guerre commerciale, ralentissement de la croissance chinoise).
Ce qui a particulièrement surpris les investisseurs c’est la violence des nouvelles prévisions économiques. La croissance de la zone euro prévue est de 1.1% et 1.6% pour 2019 et 2020 respectivement – contre 1.7% prévu initialement pour les deux périodes. Concernant l'inflation, les nouvelles prévisions sont 1.2% et 1.5% contre 1.6% et 1.7% initialement prévu pour 2019 et 2020 respectivement.
La combinaison de ces trois mesures très accommodantes associé à ces prévisions pessimistes auront inquiété le marché quelques heures tout au plus.
On reste patient
Le président de la réserve fédérale américaine, Jerome Powell, reste patient et ne signale aucun signe de reprise de hausses des taux lors d’une interview pour l’émission 60 minutes du réseau américain CBS.
Il considère que les taux sont actuellement à un niveau neutre. Il signale que la croissance américaine reste forte et solide malgré un léger ralentissement en fin d’année. Mais il met en avant comme principaux risques pour l’économie américaine le ralentissement de l’économie chinoise et européenne (alors même qu’une inflexion positive est anticipé par les marchés…).
No-deal Brexit ?
Hier s'est déroulé le vote sur l'accord de Theresa May qui a été rejeté avec une écrasante majorité. Cet échec marque la deuxième et ultime possibilité pour la première ministre de passer son accord, qui était « le seul, et le meilleur possible » a-t-elle répété après le vote.
Face à cela, le président du conseil Européen, Donald Tusk, estime que ce rejet a augmenté de façon « significative » le risque d'un Brexit sans accord, l'Union Européenne a fait tout ce qu'elle a pu et que s'il y a une solution à l'impasse actuelle, elle peut seulement être trouvée à Londres. Enfin, l'UE s'est dit prête à considérer une demande d'extension de la date de départ mais cela devra se baser sur des raisons pertinentes et une durée de report raisonnable.

Désormais la saga continue, il reste encore un, voire deux votes. Les députés britanniques se prononcent aujourd'hui sur la volonté d'un « hard-Brexit », qui sera très probablement rejeté. Puis, dans le cas du rejet de ce dernier, les députés voteront jeudi pour le report de la date de sortie du Brexit de façon à trouver un nouvel accord avec l'UE. Report qui devra être approuvé par les 27.
Pour le moment, seul l'accord de Theresa May a été mis de côté mais les incertitudes quant à l'issue du Brexit demeurent grande.
Image : https://www.bbc.com/news/uk-politics-47351650
Forte chute
Le Shanghai Composite Index a subi une fin de semaine difficile après un fort rallye depuis le début d’année. L’indice SSEC qui connaissait une croissance de 26.01% YTD jeudi dernier a chuté de 4.40% le lendemain.

Cette chute est due principalement à la recommandation de « vente » de l'indice du plus important broker chinois. Celle-ci a été largement interprétée comme un signe de manipulation par le gouvernement qui veut temporiser cette hausse effrénée.
De plus, de mauvais chiffres sur les exportations sont tombées ce vendredi alimentant les prévisions de certains analystes qui y voient les conséquences de la guerre commerciale sino-américaine qui inflige des dommages permanents à l'économie mondiale (et par conséquent chinoise).
Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 13 mars 2019 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.