
La pression politique pour le déconfinement s’impose peu à peu
Le consensus considère que l’on se dirige vers une récession globale.
Une récession moyenne aux États-Unis dure 13 mois.
La récession de 1918, si on veut chercher des parallèles à tout prix (cette récession est intervenue durant l’épidémie de la grippe espagnole), a duré 7 mois.
Si l’on prend les 11 dernières recessions intervenues aux États-Unis depuis 1948, les marchés atteignent les plus bas en moyenne 3 mois avant la fin de la récession et la baisse médiane constatée est alors de 30% entre le plus haut et le plus bas. Comme la fin d’une récession ne peut se déterminer qu’après coup, par définition, il est particulièrement hasardeux d’interpréter les bas de marché de fin mars.
Ce qui distingue cette récession des précédentes, c’est bien évidemment son origine sanitaire et sa totale imprévisibilité.
Mais également la ‘simplicité’ supposée des actions pour la contenir et l’endiguer : Confinement et arrêt quasi-total de l’activité dans un premier temps, puis déconfinement, tests, traitement et ultimement vaccin.
Pour ces raisons, les marchés ont eu des comportements extrêmes, rapides et binaires. Ils ont tout d’abord sombrés (pas ou peu de référence pour ‘borner’ les mouvements) puis grâce aux mesures exceptionnelles des banques centrales (particulièrement la FED qui a démontré en passant que même sans l’arme des taux son action est redoutable) et des gouvernements (stimulus budgétaires colossaux) visant à maintenir les forces de productions actives en dépit de la non activité, un rallye de soulagement s’est matérialisé, en partie aussi parce que l’origine de la crise n’a pour le moment pas ou très peu d’effet de second tour (contrairement à 2008 par exemple avec le stress intense sur le marché interbancaire et sa transmission à l’ensemble de l’économie).
Évidement les premières données économiques sont affolantes (particulièrement les demandes d’allocations chômage et le taux de chômage, mais aussi les ventes aux détails). Les premiers résultats bancaires, publiés depuis hier reflètent également et logiquement la détresse financière d’une partie des ménages et des entreprises américaines, avec des hausses vertigineuses des provisions pour risques de crédit. Ce alors même que le confinement et en vigueur aux États-Unis depuis largement moins de temps qu’ailleurs dans le monde.
Si le sentiment actuel se poursuit, les résultats n’auront que peu d’impact sur le marché. Peut-être que les ‘guidances’ s’il y en a seront sujettes à plus d’attention, mais même l’absences de celles-ci ne seraient pas préjudiciables tant les intervenants sont focalisés sur les fameuses courbes de contaminations qui auraient atteint leur pic et les questions de déconfinement.
Rappelons-nous cependant que le sentiment est extrêmement versatile.
Hier le conseiller économique Larry Kudlow a dynamisé un peu plus le marché indiquant que le président américain (dans la lignée des 2 semaines précédentes) ferait des annonces « essentielles, vitales », concernant la réouverture de l’économie.
Comme partout dans le monde, les autorités scientifiques, incarnées par le docteur Fauci aux Etats-Unis, ont tempéré les ardeurs du politique. Pour ces derniers le déconfinement ne doit pas être synonyme de seconde vague de contamination.
Alors que l’Europe annonce certains ‘plans’ et que les Etats-Unis communiquent sur un pic atteint, la problématique reste grande pour le respect des 2 mètres et pour la reprise de la scolarité dans le cadre d’un déconfinement sans traitement ni vaccin.
S’inspirant partiellement du succès coréen (il y avait aujourd’hui des élections législative) il semblerait que le recours systématique au masque et au test pour l’ensemble de la population, ainsi que la généralisation des prises de température, soient un prérequis. De même il conviendrait d’adapter les infrastructures.
Sans parler de la fermeture des frontières qui met à mal nos économies globalisées.
Si certes les annonces d’une production et d’une consommation locale trouvent un écho favorable auprès de l’électorat, il est utopique d’imaginer une réponse rapide et qui réponde au standard de la consommation actuelle. Il y a sûrement un enjeu sociétal pour les générations futures.
Si la fameuse ‘lumière au bout du tunnel’ est certes visible, l’inertie des mesures est telle que le recouvrement économique, même partiel, sera certainement plus long qu’il est actuellement anticipé par le marché. Ce dernier table pourtant sur une reprise rapide dès le mois de mai.
Traduisant également ce regain d’optimisme, le USD semble perdre ces derniers jours son rôle de valeur refuge, particulièrement depuis que les annonces de déconfinement se succèdent en Europe. L’augmentation du bilan de la FED pèse également sur la paire.
Pourtant certains analystes soulèvent que les pays les plus endettés en Europe sont également ceux qui ont la dépendance la plus grande au tourisme (jusqu’à 20% du PIB en Italie). Et avec l’arrêt total de ce pan de l’économie, les questions d’endettement pourraient de nouveau peser sur l’euro.
Ces différences d’interprétation se constatent également sur le marché du pétrole. Alors que les marchés actions affichent un optimisme quant à l’avenir de l’économie mondiale (au fur et à mesure que les cas de contamination diminuent et que le déconfinement est évoqué) le pétrole lui n’en profite pas.
Il sombre sur la base d’estimations d’une demande en très forte baisse qui la ramènerait 25 ans en arrière.
Il est évident que les tensions entre les membres de l’OPEP, malgré l’accord ‘historique’ pour une baisse de la production, pèse aussi lourdement sur les prix.
Après l’unité nationale qui a prévalu dans chaque pays ou presque depuis le début de la pandémie, la partisanerie fait son retour progressif.
En soi c’est une bonne nouvelle car c’est une forme aussi de retour à une vie normale.
Et c’est aux Etats-Unis que l’attention se focalise, notamment, grâce ou à cause de l’élection présidentielle de novembre.
Nous assistons donc depuis quelques jours à une lutte d’influence entre le président Trump et les gouverneurs, sur la question majeure du déconfinement. La gestion de la sortie de crise se transforme en tremplin politique pour le président Trump et pour le gouverneur de l’État de New-York (le démocrate Cuomo).
L’un se prévalant de la santé publique quand l’autre veut à tout prix un retour économique en se dédouanant de toute responsabilité.
Le président ayant tout misé sur son bilan économique, sa réélection se jouera sur la gestion du retour à la normalité économique avec une moindre considération sur les enjeux de santé.
Quant à Cuomo, il déclare adroitement « Je ne suis pas intéressé par les opinions politiques. Je veux savoir ce que les experts ont à dire ». Il soigne ainsi sa cote de popularité qui atteint désormais 71%. Pour les observateurs de politiques américaines les ambitions sont grandes pour ce démocrate.
Certains envisageant même une entrée en lice pour les présidentielles de novembre.
Dans cette joute oratoire et face aux enjeux économiques, il ne faut pas sous-estimer le risque politique d’un président américain acculé.
Aucun président américain n’a été réélu lors d’une récession.
- Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Les marchés européens, qui ont traité seulement trois jours sur la période en raison du congé pascal, finissent en baisse après une hausse de près de 10% en 5 jours et dans le sillage des mauvais résultats et données économiques américaines.

À quand un vaccin contre le Covid-19 ?
Alors que le nombre de cas de Covid-19 confirmés a officiellement atteint 2 millions de personnes dans le monde ce mercredi, le développement des vaccins progresse à une vitesse sans précédent afin de relancer les économies du monde entier puisque les seules mesures de confinement ne parviendront effectivement pas à éradiquer le virus.
Dans ce contexte de cadence accélérée, l'industrie pharmaceutique espère réduire le temps nécessaire à la mise sur le marché d'un vaccin, qui nécessite généralement plus de 10 ans, à l'année suivante. Normalement, un vaccin est développé en laboratoire avant d'être testé sur des animaux. S'il s'avère sûr et génère une réponse immunitaire prometteuse dans cette phase préclinique, il entre dans des essais humains ou cliniques. Ceux-ci sont divisés en trois phases, chacune d'entre elles étant plus longue et impliquant plus de personnes que la précédente. La phase 1 établit la sécurité du vaccin dans un petit groupe de personnes en bonne santé puis les phases 2 et 3 permettent de tester l'efficacité du vaccin et dans ce contexte d’épidémie elles sont menées dans des endroits où la maladie est répandue. Parallèlement à l’avancée du développement, la capacité de production du vaccin est progressivement mise en place, de sorte que les usines sont capables de le produire à grande échelle si et quand les organismes de réglementation jugent qu'il doit être autorisé.
À l’heure actuelle, d'après un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé en date du 11 avril, au moins 70 vaccins contre le coronavirus sont en cours de développement dans le monde, et trois candidats sont déjà testés dans le cadre d'essais sur l'homme. Le plus avancé dans le processus clinique est un vaccin expérimental développé par CanSino Biologics Inc., société cotée en bourse à Hong-Kong, et l'Institut de biotechnologie de Pékin, qui est en phase 2. Les deux autres, testés chez l'homme, sont des traitements mis au point séparément par les fabricants américains de médicaments Moderna Inc. et Inovio Pharmaceuticals Inc.
Enfin, une fois un vaccin homologué, il y aura toujours des obstacles politiques pour l'amener là où il est nécessaire, car chaque pays ou autorité de santé publique doit prendre sa propre décision pour le mettre en œuvre. Il y aura également des questions de priorité - qui devrait l'obtenir en premier, si les stocks sont limités - dont les autorités discutent actuellement.
Ainsi, lorsque des analystes ou entreprises pharmaceutiques déclarent qu’un vaccin pourrait être trouvé d’ici l’été, cela n’est pas complètement faux. Mais dans ce délai il est question d’un vaccin expérimental seulement. Un vaccin qui serait jugé suffisamment sûr et efficace pour être déployé de manière plus limitée, aux groupes à haut risque tels que les travailleurs de la santé, et qui pourrait être prêt en quelques semaines ou mois, selon les règles d'urgence élaborées par les agences de réglementation des médicaments et l'Organisation Mondiale de la Santé dans le contexte des récentes épidémies d'Ebola en Afrique.
Toutefois, dans le contexte d’un vaccin à grande échelle, un délai de 12 à 18 mois, comme le déclarent les conseillers scientifiques tels que Anthony Fauci aux États-Unis ou Patrick Vallance au Royaume-Uni, semble beaucoup plus raisonnable. Il est question dans ce cas d’un vaccin qui pourrait être utilisé dans une campagne de vaccination de masse, permettant à tous de reprendre le cours de notre vie.
Q1-2020 : Les provisions s’envolent
La saison des résultats a commencé hier avec notamment JP Morgan et Wells Fargo qui ouvrent le jeu pour les banques et donnent un aperçu relativement sombre au début d'une longue période difficile pour les prêteurs. Les bénéfices de JP Morgan et Wells Fargo ont chuté de plus de 69% et 77% respectivement au premier trimestre dû notamment à la hausse des provisions et à la dépréciation des titres en raison des conditions économiques et de marché.
Les deux grandes banques américaines ont toutes deux affiché leurs provisions pour pertes sur prêts les plus élevées depuis dix ans, mettant de côté près de 12 milliards de dollars afin de couvrir les défauts de paiement dans l'ensemble de l'économie, dont principalement ceux des emprunteurs par carte de crédit et des compagnies pétrolières.
Le directeur général de JP Morgan, Jamie Dimon, a déclaré que l'économie était confrontée à une récession « assez grave » en raison de l'arrêt de l'activité économique causé par le coronavirus et que si l’économie se détériorait davantage, la banque devrait subir des pertes supplémentaires.
Bien que les provisions aient été spectaculaires, le premier trimestre n'a pas été tant douloureux. C’est notamment une nouvelle règle comptable, connue sous le nom de CECL, qui exige que les banques constituent des provisions plus tôt dans le cycle, elles doivent ainsi prendre des dispositions dès maintenant si un emprunteur risque de faire défaut à un moment quelconque de l'accord, même si cela doit se produire dans plusieurs mois ou années.
Les deux banques américaines ont par ailleurs maintenu qu'elles sont bien mieux positionnées pour cette crise qu'en 2008. Le ratio de capital clé de JP Morgan était de 11.5%, dans la fourchette de son objectif à moyen terme. Celui de Wells Fargo était de 10.7 %, au-dessus de son objectif interne.
Bank of America, Citigroup et Goldman Sachs ont par la suite dévoilé leurs résultats ce mercredi et ont subi de fortes baisses de bénéfices également mais moins importantes, avec des chutes de 46%, 26% et 45% respectivement. Ces dernières ont également rejoint leurs rivaux en mettant de côté des milliards de dollars en provisions, 4.8 milliards pour BofA, 7 milliards pour Citigroup et près de 1 milliard pour Goldman Sachs. Morgan Stanley dévoilera ses résultats demain.
La Fed continue ses mesures de soutien au pas de charge
La Réserve fédérale américaine a annoncé jeudi 9 avril qu'elle allait injecter 2.3 trillions de dollars supplémentaires pour soutenir l'économie américaine grâce à une série d'initiatives d'urgence sans précédent qui étendront sa portée aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu'aux gouvernements des États et des municipalités.
Parmi ces mesures, la Fed offrira jusqu'à 500 milliards de dollars de prêts aux États et aux municipalités par l'achat d'obligations municipales et élargira un programme existant de prêts aux entreprises afin d'inclure davantage de catégories dettes à faible notation et plus risquées, appelés plus communément « junk bonds ». Deux actions qui sont sans précédent puisque c’est la première fois que la banque centrale s’aventure sur ces marchés. La Fed n'a jamais exercé sa capacité à acheter des obligations municipales afin d'éviter notamment de choisir les domaines dans lesquels elle intervient, et elle a également toujours été réticente à aller sur des marchés de crédit aux entreprises moins bien notés et plus risqués.
Cela ne tient évidemment pas compte des initiatives précédentes : des taux d'intérêts proches de zéro, des achats d'actifs illimités à durée indéterminée qui ont déjà augmenté les actifs de la Fed de près de 2 trillions de dollars, et toute une série d'autres facilités de crédit visant à tout, du financement au jour le jour des banques à l'approvisionnement en dollars américains des banques centrales du monde entier, une mesure qui, à elle seule, a ajouté plus de 300 milliards de dollars au bilan de la Fed.
Ces mesures dépassent déjà très largement tout ce qui a été entrepris pendant la crise de 2008, tant par leur portée que par la rapidité des prises de mesures, et cela devrait continuer. Le président de la Fed, Jerome Powell, déclarait ce même jour que la Fed continuera « à utiliser ces pouvoirs avec force, de manière proactive et agressive jusqu'à ce que nous soyons convaincus que nous sommes sur la voie de la reprise ».
Le déficit budgétaire et la dette américaine explosent
Le ralentissement économique brutal et les dépenses massives pour le sauvetage de l’économie vont presque quadrupler le déficit budgétaire américain pour 2020, atteignant un niveau record de 3.8 trillions de dollars, soit 18.7 % du PIB, a déclaré lundi le CRFB (Comité pour un budget fédéral responsable - une coalition d'anciens législateurs américains, de fonctionnaires et d'économistes).
Le CRFB a commencé avec l’estimation du Bureau du budget du Congrès (CBO) d'avant la crise et a ajouté environ 2.2 trillions de dollars de dépenses tout en soustrayant 570 milliards de dollars de recettes en raison de la réduction de l'activité économique. Le groupe prévient toutefois que ses prévisions sous-estiment « presque certainement » le déficit puisqu’elles se basent sur l’hypothèse qu’aucune mesure supplémentaire ne soit promulguée et que le PIB réel diminuera de 3.9% en 2020 avant de reprendre une forte croissance de 3.2% dès 2021, ainsi qu’un retour complet aux projections d'avant la crise d'ici 2025.
De plus, selon les mêmes hypothèses conservatrices, le comité estime que la dette passera d'un peu moins de 80 % du PIB avant la crise à plus de 100 % du PIB d'ici la fin de l'année fiscale 2020, soit une augmentation de plus de 20% sur une période de sept mois. À titre de comparaison, la dette avait augmenté de 21% du PIB pendant la Grande Récession, entre fin 2008 et fin 2010. Par la suite, les estimations montrent que la dette continuera à augmenter en pourcentage du PIB, dépassant le record précédent de 106% établi juste après la Seconde Guerre mondiale d'ici 2023.
- Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 15 avril 2020 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.