
La béatitude du marché
La cour constitutionnelle allemande a donc rendu son verdict concernant les interventions de la BCE. Il était très attendu mais force est de constater que l’impact sur le marché européen est quasi inexistant. Ce dernier renouant avec ses réflexes traditionnels, à savoir suivre le mouvement impulsé par les États-Unis, indépendamment de l’environnement économique. L’impact sur l’euro, cependant, était plus marqué le jour de la décision, ainsi que l’écart de taux des emprunts périphériques contre le Bund.
Donc, la Bundesverfassungsgericht, dans une décision que certains pourraient juger soit suffisante, soit comme une tentative désespérée de ne pas perdre la face, donne 3 mois à la BCE pour justifier que ces actions s’inscrivent bien dans le cadre de son mandat qui est d’assurer la stabilité des prix de la zone euro…
Saisie par des eurosceptiques, la cour constitutionnelle a, à 7 voix contre 1, considéré que la BCE n’a pas fait de financement d’État via son programme d’assouplissement quantitatif (PSPP), mais elle donne cependant 3 mois à celle-ci pour faire la preuve que ses actions ne transgressent pas son mandat. Si tel devrait être le cas alors la cour indique que « la Bundesbank ne pourra plus participer à la mise en place et à l'exécution du programme ». Pas forcément de bon augure. Mais qu’importe.
La BCE sur son site internet a publié un communiqué le soir même, prenant note de l’arrêt, et justifiant son programme d’achat du secteur public compatible avec son objectif de stabilité des prix. Elle a également rappelé que la cour de justice européenne avait déjà statué sur la conformité des actions de la BCE…
La conclusion la plus tangible que l’on peut tirer pour le moment de cet arrêt de la cour constitutionnelle, c’est que les pays du Nord ont toujours des réticences sur l’assouplissement quantitatif, démontrant une nouvelle fois la difficulté d’une union monétaire dans un ensemble économique hétérogène.
Loin de fédérer les intérêts européens, la covid-19, agit une fois encore comme un révélateur des disparités.
Mais tout ceci n’impacte aucunement les marchés…
Ils continuent d’anticiper une récession à ce point courte qu’on en viendrait même à se demander s’il l’anticipe encore ! Les 20 millions de chômeurs biffés en avril aux États-Unis se transforment encore une fois en une bonne nouvelle car les attentes étaient plus élevées. Il s’est quand même perdu 4 fois d’emplois en 1 mois qu’il s’en est créé depuis l’élection de Donald Trump en 4 ans.
Même si le marché est dans l’anticipation de reprise forte et rapide, recouvrer autant d’emploi et donc retourner à une vigueur économique comme celle qui prévalait avant la covid-19 prendra certainement du temps. Même si les références au passé peuvent avoir moins de pertinence parce que l’origine de la crise est ‘volontaire’, la moyenne des récessions est de 11 mois. Actuellement elle serait de 4 mois d’après le consensus.
Toujours en référence avec le passé, les marchés baissiers consécutifs à une récession ont connu une performance moyenne négative de 34% en 14 mois. Nous avons eu cette baisse en 1 mois.
Le rebond actuel qui laisse dubitatif bon nombre d’intervenants de marché tant il est violent (et qui donc s’entretient de lui-même car les intervenants cèdent les uns après les autres, en achetant, au fur et à mesure que le marché s’apprécie pour ne pas rester sur le bord de la route) continue d’être alimenté par la sélection des nouvelles sur le déconfinement et donc le retour rapide à la normale.
Les gouvernements accentuent le décomplexion de leur discours sur la primauté de l’économie sur le sanitaire. Et un dernier sondage réalisé par FiveThirtyEight, aux États-Unis, va totalement dans ce sens.
Ainsi 55% des américains se disent très inquiets au sujet de l’économie alors qu’ils ne sont que 32% à l’être au sujet de la pandémie.
Et logiquement cette priorité économique se traduit par une hausse des marchés. Comme avant leur effondrement en mars, ce sont les titres ‘technologiques’ qui contribuent à la hausse. Les titres du secteur de la santé permettent également au marché américain de surperformer largement les marchés européens. La contribution de la performance des FAANG dans la performance totale du S&P500 est de nouveau au plus haut historique, et le Nasdaq est positif depuis le début de l’année.
A 22 fois les bénéfices attendus à horizon de 12 mois, il n’y a visiblement aucune place pour le doute ! Et le consensus des analystes table sur une modeste baisse des bénéfices par action d’environ 15% pour 2020.
Cette vigueur du marché action ainsi que le retour de la rhétorique belliqueuse de Trump à l’encontre de la Chine, pourraient permettre une inversion des intentions de vote pour la présidentielle. C’est en tout le pari qui semble être fait par l’équipe de campagne du candidat républicain.
Mais la candidature possible (probable?) du Libertarien Justin Amash pourrait perturber la fin de campagne. Cet ancien républicain en opposition systématique avec Trump (et qui a voté pour sa destitution) serait plus susceptible d’attirer des voix situées sur l’aile droite républicaine, que de prendre des voix au démocrate Biden. Et comme lors de la campagne électorale de 1992, où Ross Perrot avait brouillé le message républicain George H.W. Bush, l’arrivée de ce troisième homme pourrait finalement être profitable à Biden, tout comme ce fut le cas pour Clinton.
Mais dans l’euphorie actuelle du marché, où toutes les nouvelles, bonnes ou mauvaises sont un prétexte pour alimenter la hausse du marché, même la perspective d’une victoire démocrate en novembre sera un non évènement.
- Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Les marchés européens ont particulièrement été impactés la semaine dernière par la nouvelle montée en tensions sino-américaines alors que l'hostilité des États-Unis envers la Chine a augmenté cette dernière semaine.
L’Eurostoxx reprend son souffle après son rallye sur la semaine précédente, il finit la période en baisse de 2.87%.

Levée progressive des mesures de confinement
Après plus de 120 000 décès en Europe, les dirigeants font preuve de prudence dans l'ouverture de l'économie, craignant qu'une nouvelle flambée des infections ne prolonge et n'aggrave la crise. L'Europe tente ainsi prudemment de reprendre ses activités, les restrictions se relâchant sur le continent à mesure que la propagation du coronavirus ralentit.
L'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Allemagne ayant assoupli certaines de leurs restrictions lundi, l'Europe retrouve une nouvelle normalité en reprenant sa vie publique. Ce retour à la normal est toutefois progressif, la vie est plus lente et moins dynamique qu'auparavant, les entreprises et services rouvrent par étapes en fonction des risques et des besoins, les écoles rouvrent partiellement dans certains pays tandis que d’autres prévoient la rentrée en septembre et certaines restrictions, telles que le port du masque, resteront en place pendant des semaines, voire des mois.
La France a prévu de mettre fin graduellement à son confinement à partir de lundi prochain et le Royaume-Uni pourrait également sortir de sa quarantaine dimanche, notamment par des mesures de distanciation sociale dans les bureaux.
Aux États-Unis, dans environ la moitié des états, avec en tête le Texas et la Géorgie, les Américains ont commencé à sortir de leur confinement dès vendredi dernier. La Californie, premier État américain à avoir fermé son économie, commencera à relâcher son confinement ce vendredi.
Retour sur de nouvelles tensions sino-américaines
Alors que la pandémie de Coronavirus aurait peut-être atteint son pic, les retombées politiques s’accélèrent et deviennent la nouvelle source d’inquiétude pour les investisseurs. Les risques concernant une deuxième vague sont toujours nettement présents, mais les analystes estiment que tant que le grand public ainsi que les gouvernements sont conscients de ce risque, le risque devrait être contenu dans une certaine mesure. Ainsi, les risques politiques et les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine qui se sont intensifiées au cours des dernières semaines prennent les devants sur le plan économique.

Les deux plus grandes économies du monde ont passé les deux dernières années dans une guerre commerciale qui a entraîné l'économie mondiale et a vu les deux pays imposer des montants importants de droits de douane supplémentaires sur les produits de l'autre.
Au moment où l'épidémie commençait à s'installer dans la province chinoise de Hubei, au début de l’année 2020, les États-Unis et la Chine venaient de signer l'accord commercial dit de « phase 1 ». Ce modeste accord dans les faits permettait toutefois de désamorcer un conflit responsable d’un ralentissement de la croissance mondiale et devait permettre aux deux économies de repartir sur de bonnes bases afin de trouver un terrain d’entente sur leurs différends. Toutefois, il semble désormais que le développement du Covid-19 ait ravivé ces tensions et en ait développé de nouvelles.
La semaine dernière, le président américain Donald Trump déclarait que l’« erreur » de la Chine aurait causé la pandémie mondiale et a imputé la gestion de la crise sanitaire de la Chine à son désir de le voir perdre l'élection présidentielle. Enfin, il a menacé d'imposer des « taxes douanières punitives » en réponse au manque de transparence de la Chine.
Le secrétaire d'État Mike Pompeo s’en est également prit à la Chine en déclarant que la Chine représentait une menace pour le monde en cachant des informations sur l'origine du virus et qu’« une quantité importante de preuves » suggère que le virus provient d'un laboratoire de Wuhan.
L’accord de « phase 2 » semble désormais une utopie dans ce contexte alors que ce retour des tensions ne repose plus désormais sur de simples divergences économiques et présage d’une montée en tension qui pourrait être dévastatrice pour les économies dans ce contexte. Un ancien négociateur commercial de la Maison Blanche, Clete Willems, a notamment déclaré que cette montée en tension marque « le début d'une nouvelle guerre froide » et la situation pourrait s'aggraver considérablement.
3 trillions de dollars d’emprunts au T2-2020
Les besoins d'emprunt montent en flèche car le Trésor a besoin de liquidités pour financer les mesures de relance et pour compenser la chute des recettes causée par les pertes massives d'emplois. Le département du Trésor prévoit d'emprunter 2.99 trillions de dollars au cours du trimestre d'avril-juin pour financer les mesures d'aides économiques du gouvernement.
Le Congrès a jusqu'à présent alloué près de 3 trillions de dollars à l'allègement budgétaire, et les emprunts augmenteront probablement si une aide supplémentaire est adoptée. Il prévoit également d'emprunter 677 milliards de dollars supplémentaires au cours du troisième trimestre, ce qui portera son émission de dette estimée pour l'année fiscale 2020 à 4.5 trillions de dollars.
La dernière estimation du Trésor arrive après que le Comité pour un budget fédéral responsable ait fait des estimations du déficit fédéral pour 2020. Le CRBF avait prévu le 13 avril que le déficit budgétaire serait presque quadruplé, passant de 984 milliards de dollars cette année à 3.8 trillions de dollars.
Chômage
Le nombre de demandeurs d’allocations chômage aux États-Unis continue de ressortir à des niveaux extrêmes, au cours de la semaine du 20 avril celui-ci s’est élevé à 3.8 millions. Ainsi, au cours des six dernières semaines plus de 30 millions de personnes ont demandé les allocations chômage, ce qui représente environ 18.2% de la population active américaine. Ces chiffres hebdomadaires, bien qu’en constant déclin depuis les cinq dernières semaines, sont toujours largement supérieurs au nombre de demandeurs moyen historique et bien au-dessus du plus haut de la Grande Récession qui s’élevait à 654,000.
Le taux de chômage du mois d’avril qui sera annoncé ce vendredi devrait atteindre 16% selon le consensus.

- Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 8 mai 2020 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.