
“Hélicoptère money” : Nous y sommes !
Alors que depuis 2 semaines et demi les incertitudes liées au coronavirus étaient interprétées de façon positive par le marché (rien n’altérait le sentiment), cette semaine la soudaine prise de confiance est plutôt très douloureuse. Ainsi donc, le manque de visibilité des intervenants sur l’impact économique se traduit par une perte de sang froid importante. Prés de 8% de baisse en 4 séances sur les principaux marchés actions mondiaux. Pourtant mis en garde par les économistes, mais aussi et surtout par les entreprises, les intervenants de marché, semblent tout à coup prendre conscience du problème lié aux chaines d’approvisionnement. L’opposition de sentiment qui durait depuis 3 semaines entre le marché des actions et le pétrole, l’or, le marché des devises et dans une moindre mesure les taux, se normalise dans la douleur.
En attendant les prochaines réunions des banques centrales (BCE le 12 mars, FED le 17 et 18 mars) dont la tonalité plus ou moins accommodante sera proportionnelle au niveau des marchés, l‘hélicoptère money’ débarque à Hong Kong, discrètement.
Les idées de revenus universels ou de l’hélicoptère money (une variante épisodique) étaient jusqu’à peu considérées comme des inepties ou de la science-fiction. A la limite une vision romantique d’un bolchévisme financier. Mais depuis que l’aléa moral est progressivement devenu la norme acceptable (car ses conséquences sont positives pour les marchés financiers) et à mesure que les outils conventionnels (essentiellement baisse des taux et achats d’actifs) s’épuisent l’idée de l’injection directe d’argent faisait son chemin. La fameuse théorie moderne monétaire, reprise dans certains programmes démocrates, peut également être considérée comme une concrétisation, (voire une consécration) de cette injection de liquidité sans conséquence. S’il n’y a aucune limite à la dette qu’un gouvernement peut contracter puisqu’il lui suffit d’imprimer de la monnaie, et qu’en plus l’on se trouve dans un environnement non inflationniste, pourquoi donc maugréer sur l’aléa moral?
Ainsi donc, le secrétaire financier de Honk Kong, a annoncé ce matin que chaque résident permanent de Hong Kong âgé de plus de 18 ans, recevra HKD 10 000 (l’équivalent de USD 1 200). Ce plan d’aide (c’est ainsi qu’il a été présenté) d’un montant de USD 15 milliards est ainsi mis en place par le gouvernement pour « soutenir les entreprises, préserver les emplois, stimuler l’économie et alléger le fardeau des personnes ». Il est vrai que la population hongkongaise et les entreprises sont soumises à rude épreuve entre les mouvements de contestation et l’épidémie du coronavirus.
Est-ce que cela va briser un tabou et ainsi donner des pistes de réflexion à la BCE (qui appelle sur son site internet à faire part de suggestion à prendre en compte pour l’évaluation de leur stratégie de politique monétaire)? Quoiqu’il en soit cela créé un précédent important.
L’autre surprise de la semaine (donc après la soudaine prise de conscience du marché sur le coronavirus) ce n’est pas un IFO en Allemagne meilleur que prévu ou un indice de confiance des consommateurs de la zone euro au-dessus des attentes, ni même un PMI des services moins bon que prévu aux États-Unis (il été impacté par le coronavirus, ravivant immédiatement l’ancien thèmes anxiogène de la contagion de l’industriel au service) mais, l’apparition du risque ‘Bernie’ pour le marché.
Alors que sa (courte) victoire dans le New Hampshire et sa seconde place dans le désastreux caucus de l’Iowa, avaient été salués par le marché (parce que face à Trump, Bernie Sanders n’aurait aucune chance nous dit-on), sa victoire éclatante dans le Nevada (46.8% des voix contre 20.2% à Biden) est tout à coup présentée comme un risque ! Un des éléments phares de son programme concernant le régime universel d’assurance maladie a visiblement ébranlé les titres des assureurs santé.
A l’approche du ‘super Tuesday’ dans 6 jours et du vote en Caroline du Sud dans 3 jours, Bernie Sanders fait désormais l’objet de toutes les attaques de la part de ses opposants démocrates. Comme le marché, ils sont convaincus que son positionnement ‘socialiste’ est une menace non seulement pour l’élection présidentielle mais aussi (surtout?) pour les renouvellements du Sénat et de la chambre des représentant. Les visions et les objectifs politiques sont à ce point opposés entre Sanders et les centristes démocrates que les ralliements qui devront intervenir derrière le candidat désigné, n’auront guère de pertinence. Difficile de donner du crédit à Bloomberg s’il devait soutenir Sanders dans 4 mois après avoir déclaré hier lors d’un débat « Vladimir Poutine pense que Donald Trump devrait être président des États-Unis, et c'est pourquoi la Russie vous aide à vous faire élire » !!
- Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Les marchés européens ont chuté cette semaine à cause de la panique lié à la propagation du Covid-19. Il semble que l’évolution positive des marchés depuis la fin des vacances du nouvel an lunaire en Chine ne tenait qu’au simple fait que seul la Chine était impactée et que le virus ne dépasserait pas la frontière.
Les marchés européens terminent la période en très forte baisse. L’Eurostoxx 50 perd 7.44% et le Vstoxx augmente 90.96% pour atteindre 24.54.

Covid-19
Pour rappel, la semaine dernière les médias expliquaient que le pic de l’épidémie avait été atteint face à une baisse de croissance du nombre de cas en Chine, alimentant un sentiment de marché positif sans grande conviction. Mais depuis jeudi dernier, la propagation de cas en dehors de Chine a été l’événement déclencheur de la panique.
La propagation du virus depuis mercredi dernier a ainsi connu une croissance nettement plus forte à l’extérieur de la frontière chinoise qu’à l’intérieur avec une augmentation des cas de 145% contre 7% respectivement. Le nombre de cas s’élève ainsi à 2,764 hors Chine et à 78,073 en Chine à ce jour.
Depuis jeudi dernier, la hausse de la proportion des cas hors Chine et des pics d’infections recensés en Corée du Sud, Iran et Italie notamment, ont suggéré que l’épidémie pourrait se transformer en pandémie – bien que ce ne soit pas encore le cas. La Corée du Sud est le premier pays touché, après la Chine, et a connu une forte croissance de ses cas avec 1,200 contaminations et 12 morts à ce jour. L’Italie et l’Iran ont également vu leur nombre augmenter rapidement pour atteindre 383 cas et 12 morts et 139 cas et 19 morts respectivement. Ces deux pays, qui en plus d’avoir un taux de décès élevé, pourrait amplifier l’épidémie aux pays d’Europe et du Moyen-Orient et ce de manière rapide, ce qui constitue une source de préoccupation pour le directeur général de l’OMS.
Face à l’évolution de la situation, il semble que le pire soit encore à venir avant que cela s’améliore. En outre, le fait que les experts ne connaissent pas encore tous les modes de propagation du virus complique les choses et permet la continuité de la propagation.
Par ailleurs, les retombées économiques se poursuivent également alors que la Chine reprend difficilement le travail et ne consomme pas, et que l’Italie met 11 villes en quarantaine. Les constructeurs automobiles se préparent à des arrêts de production généralisés dans les usines du monde entier, la fermeture de la Chine entraînant des pénuries de composants, et la liste des grandes entreprises qui émettent des avertissements sur les ventes et bénéfices s'allonge.
Mesures de stimulation
Comme abordé la semaine passée, le gouvernement chinois et la PBoC multiplient les mesures permettant de stimuler l’économie et de soutenir les marchés depuis leur réouverture suite à la fin du nouvel an lunaire. Cette semaines les mesures sont les suivantes :
Après avoir baissé ses taux 1 an pour les prêteurs commerciaux au plus bas depuis 2017, à 3.15 % lundi 17 février, la PBoC a également baissé les taux de référence pour les nouveaux prêts aux entreprises et aux ménages. Ces derniers ont été abaissés de 10 pdb, à 4.05 % pour le taux 1 an, et de 5 pdb, à 4.75 % pour le taux 5 ans.
Vendredi 21 février, les principaux dirigeants chinois ont promis plus de flexibilité dans la politique monétaire ainsi que d'être plus « proactifs » dans l'utilisation des politiques fiscales, indiquant un biais plus accommodant par rapport à leur position précédente.
La Banque populaire de Chine a indiqué examiner la possibilité de réduire le taux de dépôts, selon le vice-gouverneur Chen Yulu, qui a également déclaré que la banque centrale orientera les coûts d'emprunt à la baisse.
Ce mercredi, la Chine a déclaré qu’elle offrira 500 milliards de yuans (71,2 milliards de dollars) de financement aux banques commerciales pour des prêts aux petites entreprises et au secteur agricole. Le taux d'intérêt du financement sera abaissé de 25 points de base.
Le gouvernement a également indiqué qu’il supprimera la TVA pour les petites entreprises du Hubei de mars à mai, et abaissera le taux d'imposition de 3 % à 1 % pour les petites entreprises du reste du pays.
Face à toutes ses politiques accommodantes chinoise et la propagation mondiale, les investisseurs estiment de plus en plus une baisse des taux directeurs américains lors des prochaines réunions.

- Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 26 février 2020 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.