
Dichotomie d’interprétation
Tranquillement mais surement l’euro baisse contre le USD. En cause, les déboires de l’Allemagne (l’enquête de confiance auprès des investisseurs allemands quant aux perspectives économiques est ressortie hier au plus bas depuis avril 2017) et la croissance sinistrée de la zone euro (un désespérant, 0.1% au 4eme trimestre 2019), et aussi, nous dit-on, le statut de valeur refuge du USD.
L’EUR baisse donc, mais contrairement à 2011, ce ne sont pas les pays dits périphériques (vous rappelez vous des fameux PIGS?) qui sont les responsables. Pour preuve les écarts de taux entre les 10 ans allemands et périphériques sont revenus sur les niveaux qui prévalaient il y a 10 ans. C’est donc la situation politique et économique allemande qui semble expliquer cet accès de faiblesse de l’EUR. Ainsi les économistes (mais aussi les enquêtes de sentiment) mettent en avant le risque de récession allemande lié au coronavirus (à cause de la globalisation de l’économie allemande), mais dans le même temps le DAX est en hausse de 5.38% sur le mois, peut être porté par le marronnier de la relance budgétaire (qu’appelle de leur vœux l’association des entreprises allemande). Sur le plan politique, même si une sortie de crise semble finalement se dessiner en Thuringe (de nouvelles élections seraient organisées), la désignation du prochain dirigeant de la CDU et donc du candidat pour les élections fédérales risque d’accaparer, malheureusement, l’essentiel des ressources.
Si la faiblesse de l’euro ne tardera pas à être mise en avant par les opérateurs comme un nouveau catalyseur de la hausse du marché, concomitamment, la hausse du USD posera certainement aussi des questions quant à la croissance mondiale. Particulièrement concernant les entreprises endettées en USD qui verront donc leur bilan se dégrader et leur capacité d’investissement se réduire. Idem pour les pays asiatiques dont la dette libellée en USD nécessitera des interventions, non pas pour relancer la croissance, mais pour ‘coller’ le mouvement de leur devise à l’évolution du USD de sorte que le cout de la dette reste supportable. Certains observateurs relèvent que hausse du USD et crise sont souvent liés. D’autres soulignent fort à propos que le USD a tendance à s’apprécier en raison d’un environnement de crise. Cause ou conséquence, l’évolution du USD sera certainement un thème de marché à ne pas négliger.
L’épidémie du Covid-19 justifie donc l’appréciation des valeurs refuges ‘habituelles’ USD et CHF en tête, mais également la baisse du pétrole (car les analystes et les experts nous indiquent que le ralentissement chinois pèse sur la demande en pétrole), mais paradoxalement les marchés actions sont totalement insensibles aux conséquences économiques de cette épidémie. Pour eux, le ralentissement économique chinois et sa contagion au reste du monde ne sont que chimères. Le marché action continue de penser que la perturbation de l’économie chinoise n’aura aucune répercussion sur les chaines d’approvisionnement mondiales. Cette épidémie s’est même transformée en une formidable motivation d’achat pour les intervenants !
Aux États-Unis les 3 indices franchissent régulièrement (pour ne pas dire chaque jour !) les records historiques, et en Europe on reste sur les plus haut de 12 ans.
Même quand les entreprises font des avertissements (le dernier en date est Apple hier) la réaction de marché est toujours positive. Soit le titre monte sur la nouvelle (le croisiériste Carnival s’appréciait de 2.6% après avoir annoncé un impact « significatif » sur ses résultats !!), soit il baisse légèrement pour mieux récupérer le lendemain (Apple par exemple)
Comme toujours le salut est venu des banques centrales : ‘Forward guidance’ de la FED (finalement presque autant obnubilée, mais sans l’admettre, par le marché que le président Trump) et actions pour la banque centrale chinoise. La BCE quant à elle s’invente une future action écologique à portée monétaire.
Pas un jour ou presque sans que la banque centrale chinoise (et le gouvernement) n’interviennent. Ainsi après avoir réduit à nouveau le cout de financement des banques commerciales, injectée 200 milliards de yuans et effectuée pour 100 milliards de yaun de prise en pension, le marché s’attend à de nouvelles interventions de la PBoC. Une autre réduction des réserves obligatoires des banques ainsi que d’autres opérations de facilité de prêt sont attendues. Le marché pense également que le fameux taux ‘avantageux’ pourrait être baissé dès demain.
Combinées aux actions du gouvernement central, ces mesures attestent de l’implication des autorités politiques et monétaires chinoises pour lutter contre l’impact du coronavirus. Si, encore une fois, il semble bien délicat de quantifier l’impact économique de cette épidémie, l’ampleur des mesures prises devrait être, à tout le moins, une indication sur l’étendue du contrecoup économique.
Les marché actions ont décidé de s’affranchir de toute considérations économiques. Ce n’est clairement pas le cas du marché des changes et des matières premières, ni dans une certaine mesure du marché obligataire. Cette dichotomie d’interprétation, loin d’être inédite, est malgré tout très importante actuellement.
Olivier Armangau
Les thèmes de la semaine
Marchés européens
Les marchés européens finissent la période de manière dispersée, mais relativement dans le vert, sans grande conviction mais consolidant la hausse effectuée depuis le 31 janvier.
L’Eurostoxx 50 gagne 0.28% et la volatilité augmente 3.48% sur la période.
Les principaux indices américains, S&P 500 et Nasdaq 100, continuent leur ascension, ils ont encore une fois atteint de nouveaux plus hauts historiques à la clôture d’hier.

Les dernières nouvelles sur le Covid-19
Le bilan continue de s’alourdir avec désormais plus de 2,000 décès et plus de 75,000 cas, mais la cadence continue de ralentir. De plus, la situation reste toujours très fortement concentrée avec seulement 1.3% des cas recensés en dehors de Chine et l’OMS met en garde contre toute mesure disproportionnée, citant une étude montrant que plus de 80% des patients souffraient d’une forme bénigne de la maladie.
Toutefois, il est encore trop tôt pour estimer que l’épidémie soit contenue, il ne pourrait s’agir que d’une baisse momentanée. D’autant que ce ralentissement se base sur un nombre de décès et de cas journalier qui sont inférieur à 100 pour la première fois depuis le 11 février et inférieur à 2,000 pour la première fois depuis le 30 janvier, respectivement, soit une progression plus faible mais toujours importante.
Les preuves des coûts économiques liés aux fermetures prolongées à cause de l'épidémie s'accumulent. L’Agence internationale de l'énergie a prévu pour ce trimestre la première baisse en plus de dix ans de la demande mondiale de pétrole. La Commission européenne a désigné la crise comme un « risque majeur à la baisse » pour ses prévisions de croissance pour l'année. Et la liste des entreprises qui réduisent leurs prévisions en raison du virus ne cesse de s'allonger, le fabricant de pneus Michelin, le géant des boissons Pernod Ricard, les fabricants de vêtements de sport Adidas et Puma, et notamment Apple qui permet de rappeler que les perturbations seront importantes.
Encore une fois, il est trop tôt pour savoir exactement quel type de dommages le coronavirus causera à l'économie mondiale, mais à ce stade il semble largement estimé que l’effet sera temporaire et potentiellement important mais n'aura pas une grande influence à long terme.
Mesures de stimulation
Les mesures misent en place par les décideurs politiques et la banque centrale de Chine, PBOC, visant à soutenir les marchés financiers et rassurer les investisseurs, continuent de se multiplier alors que la situation du Coronavirus perdure.
Le régulateur bancaire chinois a pris une mesure supplémentaire vendredi dernier pour protéger le secteur, en déclarant que les défauts de paiement résultant de l'épidémie de coronavirus ne seront pas inclus dans les créances douteuses pendant un certain temps.
Lors du week-end du 16 et 17 février, la Chine a également annoncé des mesures fiscales et monétaires. Cette première consiste à réduire l'impôt sur les sociétés et les dépenses publiques. La seconde provient de la PBOC qui a offert lundi 200 milliards de yuans (29 milliards de dollars) de prêts à moyen terme d'un an avec un taux abaissé de 10 points de base à 3.15 %, soit un plus bas depuis 2017. La banque centrale a également ajouté 100 milliards de yuans de fonds par le biais reverse repos à 7 jours, ce qui a entraîné un retrait net de 700 milliards de yuans des marchés alors que 1,000 milliards de yuans de reverse repos arrivaient à échéance lundi.
Les indices Chinois de Shanghai, Shenzhen et Hong Kong profitent des stimulus et continuent leur hausse, effaçant ainsi la baisse encaissée depuis la réouverture des marchés après le nouvel an lunaire.

'Croissance' allemande
L’Allemagne a stagné au quatrième trimestre avec une croissance trimestrielle ressorti à 0% contre 0.1% attendu, et fini l’année avec une croissance 0.6%. Bien que le pays ait réussi à éviter une récession pour l'instant, l’année 2020 s’annonce difficile face aux risques liés aux échanges commerciaux avec le Royaume-Uni et les États qui sont deux de ses plus gros pays importateurs et notamment le risque supplémentaire lié au coronavirus.
Par ailleurs, l’indicateur de sentiment économique ZEW, qui reflète les attentes aux six mois de 300 experts financiers, est également ressorti à la baisse à 8.7 contre 26.7 en janvier et nettement sous les estimations du consensus à 21.5.
Ruées vers le rendement
Dans ce contexte de marché action plus risquée à cause de la propagation du coronavirus et du Bund qui s’enfonce toujours plus en territoire négatif, les obligations d’états de la Grèce et de l’Italie attirent les investisseurs à la recherche de rendements plus élevés.
Le 10 ans grecques est passé sous les 1 % depuis la semaine dernière et s’est même permis de tomber sous le 10 ans italien vendredi dernier lors de la cotation, l’époque des 40% semble bien loin.

Aymeric Graindorge
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Ce rapport est publié par La Financière Constance Inc. (LFC) le 19 février 2020 et s'adresse principalement aux investisseurs institutionnels. Il est fourni à titre de source générale d'information et ne doit pas être considéré comme un conseil en placement, une prévision ou une recherche, et ne constitue pas une recommandation, une offre ou une sollicitation d'achat ou de vente de titres dans un territoire quelconque ou d'adoption d'une stratégie de placement. L'information contenue dans ce rapport provient de sources jugées fiables ; cependant, l'exactitude et/ou l'exhaustivité de l'information n'est pas garantie par LFC, et LFC n'assume aucune responsabilité ou obligation de quelque nature que ce soit. Toutes les opinions exprimées sont sujettes à changement sans préavis. Les stratégies et véhicules d'investissement de LFC peuvent actuellement détenir des positions longues et/ou courtes sur les titres et dérivés mentionnés dans ce rapport. Le rendement passé n'est pas indicatif du rendement futur. Le présent rapport peut contenir des "informations prospectives" qui ne sont pas de nature purement historique. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur et comportent des risques et des incertitudes inhérents aux facteurs économiques généraux. Rien ne garantit que les énoncés prospectifs se réaliseront. Nous vous mettons en garde de ne pas vous fier indûment à ces énoncés, car un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent sensiblement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans tout énoncé prospectif formulé. Ce rapport ne peut être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit de LFC.